Trois dealers-rappeurs d’Ulster font un joli doigt aux conventions et transforment leur langue natale en bombe culturelle. Un biopic déjanté, délirant et très malin.
Si quand on vous dit Irlande du Nord, vous en êtes encore à Belfast (le film en toc de Branagh) ou aux Troubles, rangez tout ça au placard. Kneecap pulvérise toutes les idées reçues avec une énergie brute et une audace joyeuse. Ce biopic « majoritairement vrai » du trio de rap gaélique – où les membres jouent leurs propres rôles – est une claque foutraque et électrisante. Rich Peppiatt y célèbre la naissance improbable d'un groupe local devenu phénomène : deux petits dealers et un prof de musique transforment leur langue natale en arme culturelle. Et, entre sessions d'enregistrement chaotiques et concerts survoltés, son premier long vibre d'une authenticité rare.
Visuellement Peppiatt emprunte au cinéma punk et on pense beaucoup à un Trainspotting irlandais. Même sentiment de révolte, même vide idéologique et même mise en scène speedée, crue et inventive. Animation, deepfake de Gerry Adams, scènes en pâte à modeler - le cinéaste fait feu de tout bois. Mais ces artifices servent un propos essentiel sur "les enfants du cessez-le-feu", cette génération abandonnée de l'après-conflit. Le récit débridé s'accorde à la vision du réel des personnages : une simple succession de segments de vie sans conscience du lendemain. Car derrière la comédie irrévérencieuse surgit une réflexion générationnelle et un manifeste sur la préservation d'une identité culturelle menacée.
Au-delà de son humour, Kneecap célèbre la résistance linguistique comme acte politique, sans jamais tomber dans le piège du film socio. Impertinent, intelligent et fun, il bat au rythme d'une jeunesse qui refuse d'être réduite au silence
De Rich Peppiatt. Avec Naoise Ó Cairealláin, Liam Óg Ó hAnnaidh, Michael Fassbender… Durée 1h45. Sortie le 18 juin 2025
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