Synopsis
Huitième opus de la saga Mission : Impossible, avec Tom Cruise en Ethan Hunt.
Date de sortie | 21 mai 2025 |
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Durée | 170 mn |
Réalisé par | Christopher McQuarrie |
Avec | Tom Cruise , Hayley Atwell , Simon Pegg |
Scénariste(s) | Christopher McQuarrie |
Distributeur | PARAMOUNT |
Année de production | 2024 |
Pays de production | Etats-Unis |
Genre | Thriller |
Huitième opus de la saga Mission : Impossible, avec Tom Cruise en Ethan Hunt.
Ceux qui suivent de près les aventures du super-espion trompe-la-mort Ethan Hunt savent que d’énormes enjeux pesaient sur The Final Reckoning, également connu sous le nom de code Mission : Impossible 8. Deuxième volet d’un diptyque entamé en 2023 avec Dead Reckoning, conclusion du récit du combat de Hunt contre une IA maléfique appelée l’Entité, épisode best-of raccordant entre eux les sept précédents et rouvrant des pistes narratives laissées en friche par Brian De Palma ou J.J. Abrams, opus supposément terminal faisant planer le suspense autour de la mort (ou du départ à la retraite) de son protagoniste casse-cou…
C’est beaucoup pour un seul film, et la durée annoncée de 2h50 faisait redouter un mastodonte plein à craquer, lourd de toutes ces promesses. De fait, on s’en rend très vite compte une fois la projection lancée, The Final Reckoning est un film non seulement énorme, mais carrément éléphantesque, annonçant ses enjeux narratifs et émotionnels au long d’une interminable enfilade de scènes d’exposition, où transparaît le goût du réalisateur et scénariste Christopher McQuarrie pour le montage parallèle et les explications verbeuses à double ou triple fond. Celles-ci paraissent d’autant plus alambiquées qu’elles sont entrelardées d’incessants inserts d’images extraites des précédents films, censées exciter le fan-club tout en rappelant les fondamentaux de la mythologie de la saga aux têtes-en-l’air qui auraient par exemple zappé ce qui se passait dans Mission : Impossible 3 (difficile de leur en vouloir).
Mais ces mini-flashbacks intempestifs donnent surtout l’impression de regarder la gigantesque bande-annonce d’un film qui ne commence jamais… Tout semble à la fois trop long et précipité, fragmenté, comme si McQuarrie s’était débattu dans la salle de montage avec des morceaux épars d’un blockbuster-Frankenstein. Pendant près de trois quarts d’heure, Mission : Impossible 8 refuse de décoller, plombé par la gravité – un comble pour une saga d’habitude si à l’aise avec la haute voltige.
Ce mot, gravité, il faut l’entendre dans tous les sens du terme : The Final Reckoning fait résonner d’emblée une note très sombre, funèbre, une atmosphère de fin du monde, de péril nucléaire et de démocratie menacée, en écho très explicite à l’actualité. Pourquoi pas, après tout, mais le problème est que cet esprit de sérieux leste les habituelles embardées comiques de la saga, quand par exemple Ethan Hunt revêt un smoking et tente de retrouver ses réflexes de Cary Grant cartoon. L’ambiance est tellement lourde que les tentatives de comédie d’espionnage désinvolte à la Charade tombent à plat, malgré quelques vannes bien tentées – un commentaire de Grace (Haylee Atwell) sur la nouvelle coupe de cheveux d’Ethan, qu’apprécieront les fans qui savent au moins depuis l’épisode signé John Woo l’importance du coiffeur de Tom Cruise dans les enjeux esthétiques d’un nouveau Mission : Impossible.
Cette atmosphère de fin du monde, mis en parallèle avec le suspense sur la fin possible de la saga, entraîne McQuarrie à délirer autour des potentialités offertes par l’Entité, le McGuffin du film précédent : si on pouvait lire dans le combat de Hunt contre l’IA de Dead Reckoning un commentaire méta de la lutte d’une star de cinéma "analogique" (Tom Cruise, emblème d’un star-system à l’ancienne) contre la menace d’un cinéma du futur fabriqué artificiellement, The Final Reckoning pousse le bouchon plus loin en présentant Hunt/Cruise comme un élu, seul être capable d’affronter cet "anti-Dieu" qu’est l’Entité, qui fait se dresser aux quatre coins du globe la menace d’une "secte de l’Apocalypse". Ce script aux accents eschatologiques – nourri par ailleurs d’emprunts au cinéma de la Guerre Froide et de l’apocalypse sixties, le Point Limite de Sidney Lumet en tête – est peut-être né, qui sait ?, de la satisfaction de Cruise et McQuarrie d’avoir "sauvé le cinéma" (comme on disait en 2022) grâce au carton de Top Gun : Maverick. Après le cinéma, le monde ? On exagère à peine, tant le film est parcouru d’un sentiment de toute-puissance un peu fou, qui contredit l’ADN d’une saga dont la légèreté avait jusqu’ici toujours été l’une des clés.
Savoir ce qui constitue – ou pas – l’ADN de Mission : Impossible est de toute façon l’un des enjeux majeurs du film. En rameutant un personnage secondaire du premier volet, l’analyste de la CIA William Donloe (joué par Rolf Saxon), McQuarrie fait moins plaisir aux spectateurs nostalgiques qu’il ne se piège lui-même dans des embardées sentimentalistes un peu niaises et franchement hors-sujet, à des années-lumière de la sécheresse limite misanthrope de De Palma. Il est beaucoup plus "de palmesque" dans l’extraordinaire séquence sous-marine au centre du film, qui voit Hunt explorer les décombres du Séabstopol, le sous-marin qui coulait dans l’ouverture de Dead Reckoning.
La scène est une variation aquatique sur la mythique scène du casse de la chambre-forte de la CIA du premier film, toute en tension, suspense, enjeux géométriques sophistiqués, jeu audacieux sur le silence (à rebours des canons bruyants du blockbuster), échos du cinéma muet et exaltation grisante de l’énorme machinerie hollywoodienne. Soudain très inspiré, McQuarrie semble là au cœur de son projet esthétique. Allant plus loin que ses habituels clins d’œil vintage (on apprécie par ailleurs l’ambiance très Destination : Zebra, station polaire des scènes en Arctique), il travaille ici à une forme d’action quasi abstraite, presque planante et rêveuse – à plusieurs moments du film, on voit d’ailleurs Hunt endormi, inconscient, cherchant à remonter à la surface, ou prisonnier de la réalité alternative de l’Entité. Comme si McQ cherchait à saper de l’intérieur, par une plongée dans l’inconscient et une sorte de logique onirique, la monumentalité écrasante de son propre film.
L’autre énorme scène d’action d’anthologie – la course-poursuite en biplan teasée par la promo – approfondit certaines recherches formelles de Dead Reckoning (on pense à la bagarre contre Pom Klementieff dans une ruelle vénitienne, ou à celle sur le toit de l’Orient-Express dans l’obscurité d’un tunnel) en visant une sorte de point limite de la cascade cruisienne, où les repères spatiaux sont peu à peu complètement dissous, où le regard du spectateur ne peut plus comprendre la logique spatiale qu’en s’arrimant à la présence de la star kamikaze au centre du cadre – quelque chose comme du Buster Keaton impressionniste. A elles seules, ces deux grosses séquences méritent qu’on voie The Final Reckoning sur un (très grand) écran de cinéma. Et vous faire acheter une place de cinéma, c’est la mission que se sont fixés Cruise et McQuarrie depuis le premier jour. Celle-ci est donc encore accomplie, même si, cette fois-ci, la victoire a un goût un peu amer.
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